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Palantir, l'œil de la Sillicon Valley au service du renseignement français

Dernière mise à jour : 22 févr. 2020


Si vous êtes fan du Seigneur des anneaux, le nom de Palantir vous parle probablement. Dans l’œuvre de J. R. R. Tolkien, le palantir ou "pierre de vision", est une sorte de boule de cristal par le biais de laquelle il est possible de visualiser des lieux, des personnes, voire de lire l'avenir. Un choix judicieux pour une entreprise spécialisée dans le traitement et l'analyse de données à des fins prédictives.

Palantir Technologies est une société américaine, basée à Palo Alto en Californie, qui se présente comme une entreprise "construisant des logiciels connectant les données, les technologies, les humains et les environnements". Dans un vocabulaire plus courant, Palantir propose à ses clients des logiciels servant à visualiser d'énormes quantités de données et les liens existant entre elles, de façon graphique et simplifiée. L'objectif final étant de faciliter le travail d'analystes, dans le cadre de ce que l'entreprise présente comme une intelligence artificielle "amplifiée" par l'humain.

Révolution numérique et renseignement

Véritable cœur du traitement des données aux États-Unis, Palantir bénéficie lors de sa création en 2004 de l'appui d'In-Q-Tel, fonds d'investissement géré par la Central Intelligence Agency (CIA), à hauteur de 2 millions de dollars. Dans l'Amérique post-attentats du 11 septembre, la possibilité, par le traitement massif de données, de pouvoir identifier des réseaux terroristes, ou d'anticiper certaines actions, semble être une aubaine, les prémices d'un monde nouveau. Particulièrement pour les services de renseignement, dont les capacités de captation d'informations se sont accrues de façon exponentielle depuis le début du 21e siècle, marqué par la globalisation des réseaux d'échanges et de communication.

Dans ce monde numérisé, Palantir se taille une part de choix, devenant rapidement un acteur incontournable dans l'analyse des données. Progressivement, sa clientèle s'étend en dehors du milieu militaire et du renseignement. Ses logiciels sont par exemple employés par des grandes banques pour repérer des mouvements financiers suspects, ou encore par des grands groupes industriels et commerciaux. Mais la société est surtout réputée pour son contrat avec la CIA, l'armée américaine ou encore la police de Los Angeles ainsi que plusieurs administrations publiques américaines.

La réputation sulfureuse de Palantir

Lorsque l'on s'intéresse à Palantir, il est difficile de ne pas citer le profil parfois controversé de ses acteurs. L'un de ses fondateurs, Peter Thiel, est également cofondateur de PayPal et siège au conseil d'administration de Facebook. Il conseille également le président américain Donald Trump pendant sa campagne, et est un soutien affiché de ce dernier. À ce qui semble être son opposé total, l'actuel PDG de la société, Alexander Karp, est un démocrate convaincu. Docteur en théorie sociale, ce passionné de robotique et de philosophie allemande est fortement marqué par les attentats du 11 septembre 2001, le conduisant à penser avec Peter Thiel la création de Palantir.

Se présentant sous l'apparence d'une start-up, avec ses multiples références aux œuvres de Tolkien (jusqu'au nom des salles de réunion de son siège californien), Palantir attire les jeunes ingénieurs surdoués en leur offrant une rémunération importante et un véritable défi intellectuel. Cependant, la compagnie construit sa réputation en se nourrissant de certains malentendus et raccourcis quant à son rôle exact. Il est par exemple question de son rôle éventuel dans la traque d'Oussama Ben Laden, que l'entreprise s'est bien gardée de démentir. Ou encore d'un éventuel travail de sous-traitance pour la National Security Agency (NSA), alors qu'elle n'aurait dans les faits que participé à améliorer les outils internes de l'agence de renseignement électromagnétique américaine. Enfin, des documents internes rendus publics par BuzzFeed font état de la rupture de leurs contrat par de gros clients, dont Coca-Cola, jugeant ces leur collaboration avec Palantir trop coûteuse par rapport au service rendu.

Palantir, DGSI et souveraineté numérique

En France, Palantir est au cœur d'un débat suite à l'annonce par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en 2016 de sa volonté de travailler avec l'entreprise américaine. Suite aux attentats de 2015 sur le sol français, les acteurs du renseignement intérieur affirment qu'il leur est nécessaire de pouvoir disposer d'outils facilitant l'analyse de données. Bien que plusieurs entreprises, dont Thalès, répondent à l'appel d'offre, le choix se porte sur Palantir. La société californienne est la seule à proposer une offre répondant en tous points aux besoins de la DGSI. Cette décision provoque un important débat à propos la souveraineté numérique, s'articulant autour de la question de la sous-traitance de la part du renseignement français du traitement de leurs données par un acteur étranger, qui plus est affilié plus ou moins directement aux services de renseignement américains.

Cité par Le Monde, le député Thomas Gassiloud (LReM), explique que "ne pas contrôler ces outils peut avoir de graves conséquences technologiques", avant de faire le parallèle avec le système GPS et la volonté européenne de développer son propre réseau de satellites, Galileo. Le choix de Palantir est avant tout celui d'une solution la plus fiable dans un contexte d'urgence. Il faut aussi préciser que l'entreprise propose à ses clients de conserver leurs données en interne, choix qu'a fait la DGSI. Plane toutefois le doute sur l'existence d'une éventuelle "porte dérobée" (backdoor) dans le logiciel mis à disposition, permettant possiblement à un intervenant extérieur d'accéder aux données qu'il traite.

Vers une alternative française ?

Début octobre 2018, le Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) annonce la création, par un travail conjoint de vingt-deux sociétés françaises, d'un "Cluster Data Intelligence", avec pour objectif annoncé d'apporter une alternative française dans le domaine du traitement de larges quantités de données. Du côté militaire, la Direction générale de l'armement lance également son projet, Artémis, en collaboration avec Atos, Thales et Cap Gemini.

Sur le site internet du "cluster" est présentée son approche "de bout en bout, modulaire, incrémentale, et souveraine". Lors de l'annonce de sa création, le GICAT indique que la signature par la DGSI du contrat avec Palantir a "fait prendre conscience aux industriels privés tricolores qu'il était désormais indispensable de coopérer pour que la France dispose d'une offre industrielle souveraine et compétitive pour le traitement massif de données sensibles". Du côté de la DGSI, un nouvel appel d'offre est prévu pour 2019.


Louis Dubouis

Sources :

- Le Point, no. 2307, Économie, jeudi 24 novembre 2016 2525 mots, p. 80-84, Guillaume CRALLET, L’homme le mieux renseigné du monde - BuzzFeed, 6 mai 2016, William ALDEN, Inside Palantir, Sillicon Valley's Most Secretive Company, https://www.buzzfeednews.com/article/williamalden/inside-palantir-silicon-valleys-most-secretive-company - La Matinale du Monde Pixels, mardi 9 octobre 2018, Damien LELOUP, Palantir, l'embarassant poisson-pilote du big data - Le Monde, Éco & Entreprise, mercredi 10 octobre 2018 1567 mots, p. SCQ2, Damien LELOUP, Palantir, du côté obscur du big data - La Correspondance économique, Les femmes, les hommes et les affaires, mercredi 17 octobre 2018 - https://dataintelligenceclusterbygicat.godaddysites.com/fr, site du Data Intelligence Cluster lancé par le GICAT - https://www.palantir.com/, site de Palantir Technologies - Le Figaro, no. 23072, Le Figaro Économie, mercredi 17 octobre 2018, p. 24, Véronique GUILLERMARD, La France se dote d'une solution «big data» souveraine Photo : logo de Palantir.

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