top of page
Accueil: S'abonner

PAROLES DE DÉFENSE

Accueil: Bienvenue
Accueil: Blog2

SCORPION, la nouvelle ère de l’armée de Terre française (2/2)

Les implications doctrinales du programme SCORPION

La doctrine française s’est construite autour de principes d’agilité, à la fois dans le matériel mais aussi dans les règles d’engagement. Historiquement, cela s’explique notamment par l’étendue et la diversité importantes des territoires à couvrir (colonies, outre-mer…). Cela se traduit, par exemple, par la forte mobilité du char Leclerc comparé à son équivalent allemand, ces derniers ayant toujours adopté une approche plus stationnaire du combat. Nos engagements actuels, et l’évolution future des conflits dans lesquels nous pourrions être amenés à intervenir, font que ces principes d’agilité et d’interopérabilité restent plus que jamais d’actualité.


« Aller vite, loin et fort »

L’apport majeur de SCORPION en ce sens réside dans l’intégration des GTIA et SGTIA dans le nouveau Système d’Information de Combat SCORPION (SICS). Cette capacité accrue à recueillir et partager tous types d’informations, par l’utilisation de capteurs et de moyens de transmissions modernisés et unifiés, se manifeste par l’existence d’une « bulle d’information » couvrant l’ensemble des troupes. Toutes les composantes déployées sous cette bulle bénéficient ainsi des nouveaux systèmes d’information et de communication du SICS, permettant une nouvelle approche de l’engagement : « aller vite, loin et fort ».

Concrètement, il n’est que peu possible de jouer sur les facteurs matériel et humain pour gagner en agilité : un mouvement de troupes demande et demandera toujours du temps, et bien que l’on puisse améliorer son efficience, le facteur « physique » demeure limitant. Le SICS permet donc de jouer sur le principal levier permettant d’augmenter l’agilité sur le terrain : la vitesse de récolte et de transmission d’informations pour mieux coordonner les mouvements.


Représentation schématique d'un GTIA SCORPION déployé sur le terrain

PC = Poste de Commandement / EA = Échelon d'Assaut / ED = Échelon Découverte


L’une des innovations de la doctrine SCORPION consiste en la phase dite de modelage. Traditionnellement, l’ED sert avant tout de moyen de reconnaissance, et dispose de relativement peu de capacités à produire des effets en étant principalement équipé de moyens défensifs. L’emploi de nouveaux modèles de véhicules, plus fortement armés, et de la bulle SICS permettant une liaison plus complète avec le PC, l’appui d’artillerie et l’ensemble des composantes du GTIA, éclaire cette mission de découverte sous un nouveau jour.


Durant la phase de modelage, l’ED va ainsi non seulement effectuer une tâche de reconnaissance, mais également être susceptible de cibler des éléments fondamentaux du dispositif adverse : PC, moyens logistiques ou moyens uniques stratégiques. Il s’agit donc « d’harceler » pour produire un réel effet sur les capacités et le moral adverse. Cela contribue à la prise d’ascendant et à la facilitation de l’action de l’EA lorsqu’il prend le relai pour délivrer l’effet majeur.


Représentation schématique de la phase de modelage


Une fois la phase de modelage achevée, commence la transition ED/EA : l’EA rejoint l’ED au contact. Cette transition est principalement impactée par SCORPION en ce que l’ED doit en tout temps rester sous la bulle SICS : la capacité d’élongation est donc réduite, laissant apercevoir un réel retour « au contact » dans la doctrine française.

Représentation schématique de la transition ED/EA



« Quel chef tactique pour demain ? »

L’évolution du rôle de chef, et particulièrement de chef tactique, était cette année au cœur du colloque annuel de pensée militaire annuel organisé le 6 février 2020 par le Centre de Doctrine et d’Enseignement du Commandement de l’École de Guerre, comme en témoigne son titre : « Face à la haute intensité, quel chef tactique pour demain ? ». Face à la redéfinition du contexte géostratégique global développée dans notre précédent article, le chef tactique aura bien évidemment également à s’adapter à ce retour au contact, aux conflits de haute intensité et à se situer dans un rapport de force symétrique. Ici encore, l’apport principal de SCORPION réside dans son système d’info-valorisation, qui impactera profondément à la fois la capacité du chef à percevoir l’environnement de combat, et donc à prendre des décisions adaptées, mais aussi sa capacité à laisser place à une plus grande initiative de ses hommes, lesquels seront également plus à-même de prendre, à leur échelle, des décisions tactiques.

Sur le premier plan, il est évident que plus le chef a d’informations à sa disposition, plus il est capable de prendre une décision circonstancielle adaptée. La capacité de visualiser de manière simplifiée et complète l’ensemble de l’environnement dans lequel évoluent ses hommes, ainsi que l’adversaire, réduira (dans la mesure du possible) le brouillard de guerre. On pourrait penser au risque de surcharge informative, d’infobésité, qui pourrait éventuellement complexifier la tâche de prise de décision. Mais la force du SICS réside dans son caractère unifié et simplifié : une partie de la tâche actuelle du chef tactique, celle de procéder « manuellement » à la synchronisation de ses différentes sources d’informations, sera grandement simplifiée, libérant plus d’espace pour la phase analytique et décisionnelle.

Agilité et prise d’initiative

On envisage trop souvent la discipline militaire comme tueuse d’initiative. Pourtant « l’improvisation » est un élément central de la tactique, la guerre ne se déroulant, par nature, jamais comme on la planifie. Dans ce cadre, chaque homme sur le terrain, et en particulier le sous-officier, joue un rôle central dans la bonne conduite des opérations et la réussite des objectifs. Cet attachement à l’initiative aux échelles opératives et tactiques se manifeste notamment dans le processus de prise de décision français, la Méthode d’Élaboration d’une Décision Opérationnelle Tactique (MEDOT) et la notion d’effet majeur qui ne se retrouve pas chez nos alliés anglo-saxons. Par la transmission aux subordonnés de l’effet recherché, il leur est laissé une certaine amplitude opérationnelle pour l’atteindre, là où les méthodes mises au point par nos alliés, et notamment utilisées dans l’OTAN, tendent à dresser une liste d’actions précises qui doivent être remplies dans l’ordre.

Dans ce cadre, l’insertion des GTIA et SGTIA dans le SICS permettra à tous les échelons déployés d’être, en temps réel, tenus au courant de la position de leurs alliés, des adversaires, des spécificités du terrain etc… De prime abord, on pourrait se représenter cet accroissement des informations disponibles comme un élément diminuant la subsidiarité, notamment au regard du rôle d’un chef infovalorisé qui ferait prévaloir sa vue d’ensemble sur la situation. Toutefois, c’est bien le contraire qui est attendu et la doctrine française ne devrait pas renier son attachement à l’initiative tactique. Esprit d’initiative dont l’efficacité s’est parfaitement illustrée par les manœuvres réalisées au Mali lors de l’opération Serval.


Louis DUBOUIS

Sources :


  • « Notions sur le combat collaboratif et observations récentes des expérimentations», LCL Philippe PAUL, CDEC – division doctrine, paru dans « Les attendus de SCORPION », RDFT 2019, N°2

  • « La représentation du champ de bataille dans le combat SCORPION », COL Guillaume BENQUET, COME2CIA - Chef de la division des études et du prospective du combat SCORPION, paru dans « Les attendus de SCORPION », RDFT 2019, N°2

  • « Les attendus de l’info-valorisation : le retour de la tactique », MAJ BEM Frédéric THIRY, CDEC – Officier inséré au sein de la section exploration doctrinale, paru dans « Les attendus de SCORPION », RDFT 2019, N°2

  • « Plaidoyer pour l’effet majeur », CBA Jean MICHELIN, paru le 27/03/2018 dans « Cahiers de la pensée mili-Terre », N°43

  • « L’entrée en premier dans la culture SCORPION et la saisie d’initiative (1/2) », Olivier LEDUC, stagiaire de la 132e promotion de l’École de Guerre-Terre, RDFT

  • « L’entrée en premier dans la culture SCORPION et la saisie d’initiative (2/2) », Olivier LEDUC, stagiaire de la 132e promotion de l’École de Guerre-Terre, RDFT

  • « En 2035, le chef au combat sera-t-il un meneur d’hommes ou un manager connecté ? », CBA Sebastien PISTRE, CNE François-Xavier LAMBIN-BERNOT, CNE Bernhard KIRCHNER, publié le 19/02/2020 dans Histoire et Stratégie

  • « La bataille décisive, mythe ou réalité ? », COL Gilles HABEREY, chef d’état-major du CDEC, Revue de tactique générale – La bataille, 24/01/2020

  • « Le rôle de l’armée de Terre dans la dissuasion conventionnelle de demain, la « guerre qui vient », Hugo DECIS, BRENNUS 4.0, 18/11/2019

  • « Prémices et nature de l’affrontement futur », Hugo DECIS, BRENNUS 4.0, 19/11/2019

  • « La ‘société de haute intensité’ face aux questions de soutenabilité », Hugo DECIS, BRENNUS 4.0, 20/11/2029

  • « L’influence militaire pour créer la surprise dans un champ de bataille transparent?», CBA Vincent Mariel, BRENNUS 4.0

  • « Les systèmes de commandement en réseau dans la guerre de demain », Stéphane JAY, Revue militaire générale, 29/01/2020


CONTACT

92 rue d'Assas, 75006 Paris

Merci pour votre envoi !

Accueil: Contact
bottom of page