top of page
Accueil: S'abonner

PAROLES DE DÉFENSE

Accueil: Bienvenue
Accueil: Blog2

L'évolution du renseignement extérieur français

Dernière mise à jour : 22 févr. 2020

Du renseignement militaire au renseignement global, un long chemin de transformation


Les services de renseignement sont au cœur de la stratégie de prévention et de lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, la recherche du renseignement tend aussi bien à protéger nos forces armées lorsqu'elles interviennent en opérations extérieures dans des conflits armés, qu'à permettre la neutralisation de groupes ou d'individus terroristes dès lors que ceux-ci sont susceptibles de présenter une menace pour la population.


La fondation de la direction générale de la sécurité extérieure


Nos alliés britanniques, du fait de leur insularité et de leurs impératifs commerciaux, ont très tôt développé le renseignement extérieur multifacettes, à visées stratégiques et non pas seulement militaires. A l’inverse, notre tradition est d’abord empreinte de nécessités intérieures, comme l’illustre la création du Cabinet Noir de Louis XV (critiqué dans la caricature de 1815 illustrant cet article) ou celle de la Préfecture de Police par Joseph Fouché sous le Consulat. Le renseignement extérieur, lui, est plutôt orienté à des fins militaires. Ainsi, Napoléon 1er organisa un embryon de renseignement militaire indispensable à la conduite des opérations, notamment pour établir des cartographies précises. Il utilisa, comme sous l’Ancien Régime, des espions individuels, dont le célèbre Schulmeister, à des fins plus stratégiques.


Les origines contemporaines du renseignement extérieur français remontent au début de la IIIème République suite au traumatisme de la défaite de la guerre franco-prussienne en 1870. Outre le déficit militaire, cette guerre démontra les graves carences du renseignement français tant au niveau politique, stratégique, que tactique. C’est ainsi qu’en 1871 est créé un deuxième bureau au sein de l’État-major des armées. Chargé de l'exploitation du renseignement, il a sous sa responsabilité la section de statistiques et de reconnaissances militaires créée en 1871. Cette section assure les missions d'espionnage et de contre-espionnage. L’effectif étant moindre, le bureau ne pouvait s'appuyer, pour ce faire, que sur la police et la gendarmerie.


En 1894, un officier français nommé Alfred Dreyfus est accusé d'avoir livré des documents confidentiels aux allemands. Le Ministre de la Guerre de l'époque dit reconnaître son écriture sur un bordereau d'envoi destiné à l'attaché militaire allemand, qui lui avait été transmis par la section statistique du service de renseignement militaire. Le frère d'Alfred Dreyfus, Mathieu Dreyfus, officier du service des renseignements, aidé du colonel Picquart, sénateur, s'évertuent pour démontrer son innocence. En réalité, c'est un officier français, fils naturel d'une comtesse hongroise qui est la source de la fuite.


Suite à cette affaire, deux décisions capitales sont prises et marqueront les services de renseignement français : la section statistique est supprimée et le contre-espionnage est transféré au Ministère de l'Intérieur. Le contre-espionnage devient le ressort des commissaires spéciaux de la sûreté.


Par un décret de février 1911, le Directeur de la Sûreté générale, Céleste Hennion, crée la Brigade des renseignements généraux de police administrative. Il mentionne pour la première fois l’acronyme de l'organisation: les « RG », pour « renseignements généraux ». Ceux-ci ont pour but de surveiller certains groupements susceptibles de porter atteinte aux institutions de la République et de participer à l'élaboration des mesures de maintien de l'ordre.


Suite à l'affaire Dreyfus, le dynamisme du développement des services de renseignement français s'affaiblit. Il faudra patienter jusqu'à la Seconde Guerre mondiale pour qu’ils se réorganisent. Après la déclaration de guerre du 3 septembre 1939, la Section de Centralisation du Renseignement en reprend la direction. Les services de renseignement connaissent une forte activité et réussissent à fournir des renseignements précis sur les intentions allemandes, avec l'aide notamment des polonais. Malheureusement, dans ce genre d'affaire, avoir du renseignement ne suffit pas. Il faut savoir l'exploiter, c’est-à-dire l'interpréter correctement. Prenons l'exemple du plan jaune, appliqué le 10 mai 1940 par les allemands. L’État-major français ne croyait pas à une attaque de blindés dans les Ardennes car elles étaient jugées infranchissables. Pourtant le plan jaune avait été récupéré par les belges suite à l’accident d’avion d’un officier d’état-major allemand et transmis aux français par la suite.


Après l'Armistice en 1945, deux structures de renseignement cohabitent. L'Inspection générale de la surveillance du territoire, qui s'installe à Vichy en 1941, et la Sûreté générale. Mais la seconde absorbera rapidement la première.


Louis Rivet, en charge de la sûreté, met alors en place deux services distincts. D’abord, un service officiel agissant au nom du régime de Vichy. Il sert de couverture à des activités d'espionnage au profit des forces allemandes, ainsi qu’aux menées « anti-nationales ». Ensuite, une structure clandestine, menée par Paul Paillole, effectuant les activités de contre-espionnage offensives, comme les Travaux Ruraux chargés d'espionner les forces d'Occupation.


Une troisième structure de renseignement, le Bureau Central de Renseignement et d’Action, verra le jour en 1940 à Londres. Il est dirigé par les Forces Françaises Libres.


De vives tensions opposant les tenants d'une autorité militaire et ceux qui prônent une autorité gouvernementale éclatent en 1943 autour de la gouvernance du renseignement. Cela entraîne la réorganisation et le regroupement des différents services, et donne naissance à la Direction générale des services spéciaux.


A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, trois services se partagent les misions de renseignement externe : le Service de Documentation Extérieur et de Contre-espionnage, le Centre d'Exploitation du Renseignement Militaire ainsi que les services de sécurité militaire.


D’abord, le renseignement et le contre-espionnage extérieurs sont dévolus au Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage (SDECE). En transformant ce service, le général de Gaulle souhaite séparer les missions de contre-espionnage extérieur, des activités de renseignement visant à assurer la sécurité des armées. Il pose ainsi les piliers d'une organisation où contre-espionnage défensif et offensif seront également distincts. Le premier relève du Ministère de l'Intérieur, le second du Ministère des Armées.


Par la suite, sont institués trois services de sécurité militaire, un par corps d’armée : dans la Marine, dans l'Armée de l'air et dans l'Armée de terre. Chacun est chargé d'assurer la protection de ses forces.


Enfin, comme pour la sécurité militaire, une organisation du deuxième bureau chargé du renseignement militaire, est entreprise en 1945 au sein des États-majors des trois armées. Le Centre d'exploitation du renseignement militaire a pour but de centraliser et d'exploiter le renseignement au profit de l'Etat major des armées.


En 1981, le nouveau directeur de la SDECE, Pierre Marion, modernise le service. Il l'informatise et donne naissance à une direction chargée du renseignement économique face à l'émergence de nouvelles puissances tels que le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud (BRICS). Il commence à engager la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) dans la lutte contre le terrorisme mais, à cette période, cette activité reste très marginale au regard des activités classiques d'espionnage.


En 1982, le gouvernement décide de fondre la SDECE dans la DGSE, dont la mission reste identique. Puis, en 1990, suite à une réforme engagée par Michel Rocard, menée par Rémi Pautrat, la Direction du Renseignement Militaire, dépendant du Chef d’État Major des Armées françaises (CEMA) , est créée. Elle reprend la mission du renseignement militaire de la DGSE.


A la fin de la Guerre froide, avec l'émergence et le développement du terrorisme international, les services de renseignement français voient leurs compétences légales s'étendre. D'une logique de contre-espionnage, ce service va devoir progressivement glisser vers le contre-terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001 perpétrés aux États-Unis. Face à une mutation de la menace terroriste et à une multiplication des groupes djihadistes, les activités des différents services de renseignement vont de plus en plus se recentrer sur le terrorisme islamique.


Suite à ces nouvelles menaces, un renouveau des méthodes et des actions des services de renseignement est observé. Les moyens de la DGSE deviennent très variés.


Renouveau des méthodes et des actions de la DGSE suite a l'expansion de nouvelles menaces


Le plus important d'entre eux demeure la source d'origine humaine. Ce service collecte des informations d'origine opérationnelle ou technique. Les échanges de renseignements entre services français ou étrangers, ainsi que les opérations clandestines, permettent aussi à la DGSE d'assurer sa mission. Ce service bénéficie d'une organisation propre dans le but de produire des synthèses à partir des renseignements recueillis par l'espionnage traditionnel, écoutes, systèmes mis en œuvre par les armées, ainsi que la récolte et l'analyse des métadonnées [1]. Contrairement à la Central Intelligence Agency (CIA). qui doit cohabiter avec la Nation Security Agency (NSA) ou le Secret Intelligence Service (SIS dénommé aussi MI6) avec le Government Communications Headquarters (GCHQ). C'est donc grâce à cet ensemble d’activités et de méthodes d'action que la DGSE se distingue, notamment de ses homologues étrangers.


La DGSE est constituée de différents départements évoluant et se développant face aux nouvelles menaces. Deux grands services au sein de la Direction des Opérations, pourtant d'apparence similaire par leurs actions, permettent à la DGSE d'opérer à l'étranger de manière clandestine : le Service Action et le Service Clandestin.


Le Service Action est la seule entité autorisée à mener des actions en-dehors du territoire français, aussi bien en matière de renseignement que d'action. Cette unité militaire peut recueillir du renseignement d'origine humaine, libérer des otages, exfiltrer des personnels ou encore neutraliser des individus, tout cela de façon clandestine. Contrairement aux opérations des forces spéciales des armées qui ne peuvent réaliser des missions qu’en tenue, et susceptibles d'être revendiquées par le gouvernement français.


Le Service Clandestin est principalement utilisé dans le cadre de missions à caractère sensible. Il a évolué au fil des dossiers et des missions qui lui ont été attribués. Ce service comprend sept à huit membres, dont un directeur des opérations ayant pour but de développer le service. Les agents de ce service doivent adopter une identité fictive, c'est à dire que le clandestin doit pouvoir adapter sa vie de tous les jours au futur mode de vie qu'il pourra avoir durant sa mission. Les agents du service clandestin sont amenés, lors des opérations extérieures, à approcher, voire infiltrer des mouvements insurrectionnels. Comme celui du général Aidid, chef du mouvement insurrectionnel du territoire somalien [2].


L'une des autres missions principales de la DGSE est la diplomatie parallèle. Lors de certaines missions extérieures, les ambassadeurs au courant de l'activité d'un agent leur demandaient d'aller recueillir du renseignement auprès de personnalités que la politique française récusait alors. Tel fut le cas avec les talibans.


Par ailleurs, l’État français choisit le moyen de la clandestinité quand les autres moyens de renseignement ne sont pas suffisants ou rendus impossibles. L'avantage d'utiliser le service clandestin dans certaines missions est d'approcher au plus près la cible. Le directeur des opérations cherche à immerger un ou plusieurs officiers traitants dans une zone intéressant l’État, avec l'idée que cet individu pourra travailler plusieurs années sur cette zone : la notion de durée est capitale. Cela a permis à l’État français d’infiltrer des agents sur trois théâtres d'opérations majeurs entre un et trois ans avant le déclenchement de guerres, tels que l'Afghanistan, l'Irak ou la République Démocratique du Congo. Ceci illustre la capacité d'anticipation ainsi que la capacité d'immersion totale des agents avant qu'ils ne puissent réellement remplir leur mission.


Le livre Blanc publié en 2013 confirme l'importance du renseignement dans la stratégie de défense de la France. Par ailleurs, face à l'évolution de la menace terroriste, les services de renseignement doivent sans cesse s'adapter et tenter d'avoir une longueur d'avance sur ces organisations. Le contre-terrorisme est progressivement devenu l'activité principale de ce service ce qui a permis la relance du renseignement de source humaine. Car en effet, malgré le perfectionnement permanent de nos outils et technologies, l’humain reste absolument nécessaire au renseignement. Au final, que serait la diplomatie française sans ses agents infiltrés ?


Erika MITRENKO-MEUNIER


[1] Une métadonnée est une donnée sur une donnée, c'est un ensemble structuré d'informations décrivant une ressource quelconque.


[2] Source : « Les guerriers de l'Ombre », reportage Canal +


Bibliographie :


PORCH Douglas, Histoire des services secrets français : de l’affaire Dreyfus à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Tome 1, édition Albin Michel, 1997


PORCH Douglas, Histoire des services secrets français : de la Guerre d’Indochine au Rainbow Warrior, Tome 2, édition Albin Michel , 1997


SCHOENDOERFFER Frédéric, « Les Guerriers de l’Ombre », reportage Canal +, 2017

CONTACT

92 rue d'Assas, 75006 Paris

Merci pour votre envoi !

Accueil: Contact
bottom of page